Migration en Europe: Femme sous l’emprise

La République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), située en Afrique centrale, s’étend sur une superficie de 2 345 000 km². Sa population est estimée actuellement à près de 80 millions d’habitants et cette population se concentre surtout à la périphérie du pays. Il a une frontière sur 10 292 km avec neuf pays voisins. Le pays regorge de vastes ressources naturelles, surtout minières, mais il a connu plusieurs décennies difficiles sur le plan politique et a été ravagé par des conflits au cours des dernières années, conduisant à une très forte pauvreté. Dans sa tribune du 8 juin 2015, l’ancien Premier Ministre Adolphe Muzito souligne ceci : Un Congolais de la RDC gagne et dépense en moyenne par an 500 $, soit 1,4 $ par jour et un Belge gagne et dépense en moyenne par an 50.000 $, soit 140 $ par jour.

C’est ainsi qu’il ajoute que les pays voisins attirent vers eux les populations congolaises que la faiblesse des revenus monétaires et le fort taux de chômage poussent hors du pays à la recherche d’un paradis social. Les tendances migratoires des jeunes de nos milieux ruraux et urbains vers Kinshasa et vers les Etats voisins sont quasi permanentes. Et aujourd’hui, l’incertitude sécuritaire avec les tergiversations politiques risquent et ouvrent déjà la voie à la migration. On souligne dans les milieux des politiciens que la plupart, ont déjà mis leurs familles à l’abri dans des pays étrangers. Paradoxale que cela puisse paraitre, Des buildings poussent comme des champignons à travers la ville de Kinshasa, et paradoxalement des bidonvilles font également leur apparition suite à la poussée démographique due à l’exode rurale et aux conflits à l’est de la RDcongo. L’économie informelle a fait face à l’économie formelle.

On estime aujourd’hui, écrit l’anthropologue René Devisch, que moins de 5 % des habitants de Kinshasa ont un salaire régulier. Aujourd’hui, on ne peut pas parler de la migration des Congolais de la RDcongo sans faire à une bande dessinée qui est restée historique : « là bas na poto » Depuis des années l’Europe a toujours été un rêve pour les Congolais. La migration en République Démocratique du Congo vers l’Europe est devenue un fait de société. Plusieurs causes ont été à la base de ce phénomène et selon les époques. En effet, on a parlé de la crise économique qui a mis l’économie du pays à mal après la zairianisation (passation des entreprises étrangères entre les mains des acquéreurs Zairois à l’époque), la dévaluation monétaire, la paupérisation de la population, une rémunération insignifiante des fonctionnaires de l’Etat, chômage, ainsi que les différentes guerres à l’est du pays qui ont causé plus des 3 millions des morts et des déplacés internes et externes.

Même si l’Europe représente l’Eldorado pour la grande majorité de la population, parfois les déceptions sont grandes pour les immigrés dans les différents pays d’accueil. La Croix-Rouge de Belgique, mandatée par l’Etat pour s’occuper de l’accueil des demandeurs d’asile, est en contact constant avec les réfugiés. A travers son travail dans les centres d’accueil, elle s’est rendu compte des désillusions des candidats réfugiés confrontés aux difficultés de la procédure d’asile et de la demande de régularisation. Souvent, le mythe de l’Eldorado s’effondre pour laisser la place à la déception et au découragement. Face à ce constat et au manque de sensibilisation en aval, la Croix-Rouge Belge avec le soutien de la Commission européenne, de la Croix-Rouge congolaise et des Ministères de l’Education national e et des Droits humains a décidé d’agir en présentant lors d’une exposition dénommée Talatala , le 18 septembre 2007, la bande dessinée : « Là-bas na poto » ou là-bas en Europe. Cet ouvrage a été réalisé par 10 bédéistes congolais de talent. Ce projet avait pour objectif de sensibiliser sur les difficultés de la migration et rendre à l’Europe sa dimension réelle en cassant le mythe de l’Eldorado.

Il y a une dizaine d’années, tous les départs (légaux et par avion) à l’étranger au départ de la RDC se faisaient à partir de la capitale Kinshasa, grâce notamment à l’installation à Kinshasa de la quasi-totalité des ambassades et chancelleries étrangères ainsi que de l’unique aéroport international de l’époque. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, avec l’installation de certains consulats dans des villes secondaires (Bukavu, Goma, Lubumbashi) mais aussi des autres aéroports internationaux en provinces (Kisangani, 21 Mbuji-Mayi, Lubumbashi). Aux destinations traditionnelles qu’étaient le Congo Brazzaville et l’Angola pour l’Afrique, la Belgique pour l’Europe sont venues se greffer de nouvelles destinations comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, la France, le Royaume Uni, le Canada.

Les procédures d’obtention de visa somt devenues de pkus en pkus regaliennes. On peut lire sur le formulaire de demande de visa Schengen ce qui suit : Le demandeur de visa doit présenter aux autorités consulaires des justificatifs utiles concernant l’objet du séjour envisagé et les conditions du séjour (ressources suffisantes, hébergement qui peut être justifié par une attestation d’accueil) et fournir des informations permettant d’apprécier la volonté du demandeur de quitter le territoire des États membres ». Selon une étude « Migration national RDCongo (Profil national 2009) », l’émergence de la migration dans le paysage social et politique congolais, se situe autour de la fin des années 1980 et une montée de l’émigration congolaise s’est manifestée vers les années 1985, avec un premier pic vers les années 1992 et un second vers l’an 2000. La période allant de 1980 jusqu’en 1997, caractérisée par l’affaiblissement du régime Mobutu et le déclenchement de la guerre d’agression qui a abouti à la prise de pouvoir de Laurent Désiré Kabila, a été émaillé par une période des désordres socio-politique.

En outre, les réfugiés et les demandeurs d’asile créés par la guerre sont un facteur considérable. Comme nous pouvons le constater, l’intérêt de la population congolaise aux migrations intercontinentales a coïncidé avec la détérioration des conditions socio-économiques au pays. Cette intensification de l’émigration des Congolais s’accompagne également de la diversification des profils des migrants. Vers les années70, à l’apogée du règne de Mobutu, l’économie était stable et on assisté à une première vague sinon deuxième après ceux des évolués triés au volet par les colons belges pour des formations en Belgique. Donc, les années 70 font face aux migrations élitistes de départ, essentiellement motivées pour des raisons professionnelles et d’études (diplomates, les membres de leurs familles ainsi que les étudiants de niveau supérieur qui obtiennent des bourses soit de l’Etat congolais soit de la coopération belge).

Dans cette catégorie, les femmes ne s’y distinguent pas encore. On retrouve alors vers les années, d’autres types des migrations, notamment les migrations pour des raisons économiques, qui touchent désormais toutes les couches sociales de la population. Les jeunes gens pour la plupart de sexe masculin de la périphérie surtout dans la commune de Ndjili à proximité de l’aéroport international s’évertuent dans des trafics des documents de voyage pour la France et la Belgique. Les filles sont pour la plupart du temps cooptées après l’arrivée à destination des frères ou maris. A ce niveau, on compte un lot des filles sans emploi, âgées de 20 à 29 ans, de niveau secondaire qui a voyagé pour des raisons de mariage et familiales et de visite. Les musiciens ont également fait des affaires avec le phénomène « Ngulu » pour grossir leur liste des musiciens, infiltrant ainsi des quasi danseuses et musiciens.

Le cas du musicien Koffi Olomide interdit de séjour en Europe et sous mandat d’arrêt international pour séquestration des danseuses et proxénétisme. Les femmes qui débarquent en Europe sans emploi stable s’adonnent à la prostitution ou sont contraintes à un mariage au noir (mariage arrangé) pour l’acquisition des papiers de séjour. Toujours pour des raisons économiques, et par cupidité, les femmes qui ont rejoins leurs conjoints en Europe, ont vite fait de divorcer pour mener la vie dure à ces derniers afin de bénéficier de tous les droits qui leurs sont dus (garde des enfants, pension alimentaire qui s’évalue parfois à 3000 dollars par mois selon le nombre des enfants issus de cette union). Une autre catégorie des femmes Des femmes mariées ayant un emploi, âgés de 40 à 49 ans, de niveau supérieur et universitaire et ayant voyagé pour des raisons économiques et d’études.

Dans cette catégorie, on retrouve des femmes « deuxième bureau », c-à-d dans un mariage polygamique, dont le mari pour s’en débarrasser les ont obligé à l’immigration avec leur progéniture. Arrivée en Europe, la plupart des migrants se retrouvent dans des centres d’accueil en attente de régularisation des papiers de séjour. Ils perdent parfois leur identité d’origine avec toutes les conséquences désastreuses pour ceux qui avaient déjà des diplômes universitaires et doivent reprendre la vie à Zèro. Le cas de Bobette Matadi, licenciée en journalisme à l’Institut Facultaire de Sciences de l’Information et Communication- IFASIC- devenue Arlette Muntu. Après 5 années passées dans un centre d’accueil en Belgique, elle était obligée de faire comme toutes ses paires une formation d’aide soignante. Son mari, resté en RDcongo s’est remarié après plusieurs années de longues attentes. Douze ans déjà se sont écoulés et la fameuse Arlette vit seule avec son fils qui a l’âge de son séjour en Belgique.

Conclusion

S’il ya des risques d’errance et même une précarité de vie lors d’une migration pour un homme. Les difficultés sont encore plus flagrantes pour les femmes qui doivent s’adapter dans des centres d’accueil parfois séparés de leurs enfants. Le risque de verser dans la prostitution est toujours là. Sous la couverture d’être des femmes de ménages, beaucoup des Congolaise vont travailler dans des vitrines à plusieurs kilomètres de leur habitation dans des pays d’accueil. Elles sont comme nous l’avons vu plus haut exposées à des mariages arrangés. En outre, nous soulignons que depuis l’indépendance en 1960 et jusque dans les années 2000–2005, la République démocratique du Congo n’a pas clairement défini une politique migratoire.

Sur le plan institutionnel, le gouvernement de la RDC s’est doté de la Direction générale de migration (DGM) pour le contrôle des mouvements de la population nationale et étrangère. Le Ministère du Travail et des Affaires sociales est impliqué en ce qui concerne le travail des étrangers tandis qu’un vice-Ministère des Congolais de l’étranger avait été créé au sein du Ministère des Affaires étrangères en 2006. La migration est mentionnée et intégrée dans le Document de stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP) en tant que stratégie de mobilisation des ressources et des compétences dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Ce même document prévoit la mise en place d’un Programme national de migrations pour le développement.

La RDC a également signé avec plusieurs Etats des accords de coopération en matière migratoire ; il s’agit d’Etats européens, notamment la Suisse et la Belgique. De son côté, l’OIM croit fermement que les migrations organisées, s’effectuant dans des conditions décentes, profitent à la fois aux migrants et à la société toute entière. En tant qu’organisme intergouvernemental, l’OIM collabore avec ses partenaires au sein de la communauté internationale afin de résoudre les problèmes pratiques de la migration, de mieux faire comprendre les questions de migration, d’encourager le développement économique et social grâce à la migration, et de promouvoir le respect effectif de la dignité humaine et le bien-être des migrants.

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