Les images insoutenables de jeunes africains mourant dans la Méditerranée ne découragent pas les candidatures à l’immigration clandestine. Le mythe du paradis européen, si encré dans des esprits. Aucun risque ne semble de trop pour affronter deux enfers terrestres : la traversée du désert saharien et la mer méditerranée. Le but final vaut le sacrifice : poser ses pieds en Europe, l’eldorado imaginaire.
Daloa, en Côte d’Ivoire. À l’exemple de la ville de Tanger au Maroc, cette localité située dans le Centre-Ouest ivoirien constitue le point de ralliement des candidats nationaux à l’immigration vers le vieux continent. Une filière du « business de l’aventure européenne » est active à Daloa.
Conséquence de la crise militaro-politique de 2002 à 2011 ?
Jamais cités dans des odyssées migratoires modernes, le nombre d’Ivoiriens bravant le désert et la Méditerranée pour gagner l’Europe s’est accru, ces dernières années. Une des conséquences néfastes de la guerre civile de 2002 à 2011 ? Rien n’est moins sûr. La crise a déstructuré l’État ivoirien et accentué la pauvreté chez les jeunes. Beaucoup d’entre eux ont été exclus de la croissance économique enregistrée par le pays depuis la fin de la guerre. « Même avec une maîtrise en histoire, je n’arrive pas à trouver un emploi », se plaint N’Guessan Jacqueline. Comme cette étudiante, Kassoum Koné, presque quarantenaire, n’a jamais travaillé, malgré un DEA en droit des affaires. « J’ai postulé à toutes les offres d’emplois. Sans succès. En Côte d’Ivoire, le système est tel que même les concours de la fonction publique sont payants ». Sans oser le dire, le doctorant point du doigt la corruption à tous les échelons de l’administration publique ivoirienne. Même si pour l’heure Koné n’envisage pas tenter sa chance dans un autre pays, il ne sait quand l’idée lui viendra d’essayer le départ vers le vieux continent. « Je serai contraint de le faire si rien ne change dans ma situation », prévient-il.
De la Côte d’Ivoire aux pays sahéliens
L’itinéraire des candidats à l’immigration est connu. Ils embarquent dans des bus à Daloa, puis mettent le cap sur les pays du Sahel. Notamment le Niger après avoir transité par le Mali, pays avec lequel la Côte d’Ivoire partage une frontière commune. Du Niger, les migrants ivoiriens gagnent, non sans peine, la Libye. Le voyage coûte cher : environ 1 million de francs CFA. Une grosse somme en Afrique de l’Ouest. Preuve que tous ceux qui choisissent la périlleuse vers le « paradis » européen ne sont pas pauvres. Certains ont du travail. Ils ont tout abandonné du jour au lendemain pour aller à l’aventure.
Quand le danger rôde
En chemin, les migrants ont pour ennemis la chaleur et la soif. Les plus faibles n’arrivent pas au bout du voyage. Des morts par déshydratation. Autre danger : le risque de tomber dans les mains de bandes armées.
L’influence négative des réseaux sociaux
Les images de migrants qui meurent en chemin – notamment dans l’océan – ne semblent avoir d’effet dissuasif. Les frissons sont balayés par d’autres images. Celles idylliques postées sur les réseaux sociaux par de supposés amis qui ont réussi à mettre pied en Europe. « Moi aussi, je vais y aller », affirme avec insistance Konan Rodrigue. Le jeune homme de 25 ans veut tout laisser derrière lui pour rejoindre son « ami » en Belgique. Après tout, « vivre consiste à prendre des risques », se console-t-il. Inutile de le raisonner que tous les risques ne sont pas bons à prendre. L’envie de partir est plus forte. Les campagnes de sensibilisation des pouvoirs publics et des ONG sur les dangers de l’immigration clandestine deviennent alors inefficaces.